Introduction

L’intelligence artificielle (IA) est devenue le nouveau mot à la mode.
Au Cameroun comme ailleurs, tout le monde en parle : les médias, les universités, les institutions publiques, les start-ups… Certains y voient une révolution, d’autres une menace.

Mais une question s’impose : avons-nous réellement les bases nécessaires pour adopter l’IA de manière utile et durable ?

Car pendant que le monde avance, le Cameroun semble sauter des étapes : nous n’avons pas encore consolidé notre économie numérique, ni structuré notre marketing digital et pourtant, nous nous lançons déjà dans l’intelligence artificielle, souvent sans savoir comment elle fonctionne ni à quoi elle sert.

Quand l’IA devient un nouveau buzz

Depuis 2023, l’intelligence artificielle a envahi les conversations au Cameroun.
Des conférences s’organisent, des “experts IA” se multiplient, et des formations payantes promettent de “transformer votre business grâce à l’IA”.

Mais derrière cet engouement, il y a souvent plus de fascination que de compréhension.
Beaucoup de personnes utilisent l’IA sans en connaître les limites, d’autres l’associent à de la “magie technologique”, et certains gouvernements locaux la citent dans leurs discours sans stratégie concrète.

Le risque, c’est de répéter le même scénario que pour le marketing digital : copier les tendances occidentales sans fondation locale solide.

Un pays encore loin de la maturité numérique

Avant de parler d’intelligence artificielle, parlons d’infrastructure.
L’IA repose sur trois piliers essentiels :

1. La donnée – sans données locales fiables, aucune IA ne peut apprendre.
2. Les infrastructures – serveurs, cloud, connectivité.
3. Les compétences humaines – ingénieurs, analystes, chercheurs.

Or, le Cameroun souffre encore d’un déficit à tous ces niveaux :

• Nos bases de données publiques sont incomplètes ou non accessibles.
• L’accès à Internet reste inégal et coûteux.
• La majorité des entreprises n’ont pas encore digitalisé leurs processus internes.

Dans ces conditions, parler d’IA à grande échelle sans stratégie nationale, c’est comme vouloir construire un gratte-ciel sans fondation.

L’IA peut pourtant transformer le Cameroun

L’intelligence artificielle n’est pas qu’un luxe réservé aux grandes puissances.
Elle peut résoudre des problèmes très concrets dans le contexte camerounais :

• Agriculture : détection des maladies de plantes, prévision des rendements.
• Santé : diagnostic assisté par IA, suivi médical à distance.
• Éducation : tutoriels personnalisés, traduction automatique des contenus pédagogiques.
• Sécurité et administration : analyse de données pour la planification urbaine ou la prévention routière.

Ces applications locales existent déjà dans d’autres pays africains (Rwanda, Kenya, Nigeria) qui ont su intégrer l’IA dans une vision structurée du développement numérique.

Le Cameroun peut faire de même, à condition de miser sur la formation, la recherche et la gouvernance technologique.

Les dérives à éviter

Comme pour toute technologie émergente, l’IA comporte des risques :

• La désinformation : les outils d’IA générative peuvent créer du contenu trompeur.
• La perte d’emplois non qualifiés : certains métiers seront transformés.
• L’éthique et la confidentialité : sans cadre juridique, les abus sont inévitables.
• La dépendance technologique : utiliser des outils étrangers sans développer nos propres modèles locaux rend le pays vulnérable.

Aujourd’hui, beaucoup d’acteurs camerounais utilisent ChatGPT, Midjourney, ou D-ID sans savoir où leurs données vont ni quelles politiques de confidentialité s’appliquent.
Il est temps d’avoir une réflexion nationale sur la souveraineté numérique et la responsabilité dans l’usage de l’IA.

Ce que le Cameroun devrait faire maintenant

Plutôt que de foncer tête baissée dans la mode de l’IA, le Cameroun gagnerait à préparer le terrain.
Voici quatre actions prioritaires :

1. Créer un cadre légal clair sur la donnée, la vie privée et les usages de l’IA.
2. Former massivement les jeunes aux métiers du numérique et de la data.
3. Encourager la recherche locale, notamment dans les universités et les start-ups.
4. Favoriser les collaborations régionales pour mutualiser les ressources technologiques africaines.

C’est à cette condition que l’intelligence artificielle deviendra une force d’innovation locale, et non un nouveau jouet technologique réservé à une élite.

Conclusion : maîtriser avant d’adopter

L’IA ne doit pas être une nouvelle mode, mais une nouvelle étape de maturité numérique.
Le Cameroun a besoin d’un plan clair, d’une vision collective et d’une culture technologique profonde avant de s’y engager pleinement.

Car l’intelligence artificielle n’est ni un miracle ni une menace.
C’est un outil de puissance et comme tout outil, il faut savoir le manier avant de l’utiliser.

L’avenir numérique du Cameroun dépendra non pas de la rapidité avec laquelle nous adoptons les technologies, mais de la profondeur avec laquelle nous les comprenons et les adaptons à nos réalités.

Par Netvoryx
Agence de stratégie digitale, design et technologie basée à Yaoundé. Nous accompagnons les entreprises et institutions dans l’adoption responsable et efficace des technologies émergentes.